Loi engagement et proximité
LES PROPOSITIONS DU SÉNAT
La France traverse une crise territoriale et démocratique profonde : défiance vis-à-vis de ceux qui gouvernent, sentiment d’éloignement de nos concitoyens des décisions qui régissent leur quotidien, dépossession du pouvoir des élus locaux…
Loin de pallier les nombreuses lacunes de notre organisation administrative, le début du quinquennat d’Emmanuel Macron n’a fait que renforcer le sentiment d’abandon qu’éprouve une grande majorité des quelque 520 000 élus locaux.
Dans ce contexte, les sénateurs se sont réjouis de voir le gouvernement reprendre enfin une partie de leurs propositions dans le cadre du projet de loi « Engagement et Proximité » qu’ils viennent de discuter.
Le projet de loi « Engagement et Proximité » présenté au Parlement début octobre était très largement inspiré des constats et des propositions dressés par le Sénat.
Les sénateurs ont profité de l’examen du texte pour l’enrichir davantage, afin de « continuer à être force de proposition pour faire entendre la voix des collectivités locales. »
Le texte voté par le Sénat contient près de 122 articles ; ce document présente l’essentiel des propositions adoptées.
▶️ LE STATUT DE L'ÉLU
Le Sénat a fourni un travail considérable sur la question des conditions d’exercice des mandats locaux. Ces travaux ont largement influencé les propositions du texte de loi.
✔️ Le Sénat a modifié le dispositif de revalorisation des indemnités prévu par le gouvernement. Le nouveau dispositif, plus progressif, permet d’étaler et d’augmenter graduellement les hausses d’indemnités des communes de moins de 3 500 habitants afin de diminuer les effets de seuil tout en en maîtrisant l’impact financier: la hausse serait de 50% pour les maires et adjoints dans les communes de moins de 500 habitants, +30% entre 500 et 999 habitants et +20% entre 1.000 et 3.499 habitants.
✔️ Les sénateurs ont également pris des mesures visant à faciliter la conciliation entre mandat, vie familiale et vie professionnelle. Le texte voté par le Sénat rend obligatoire le remboursement des frais (garde des enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées) exposés par les élus des communes de moins de 3.500 habitants. Ce remboursement serait compensé par l’Etat.
✔️ Le Sénat a étendu pour 12 mois au-delà de la fin du mandat le statut de salarié protégé des élus locaux.
✔️ Afin d’aider les élus en situation de handicap, les sénateurs ont souhaité que les titulaires d’un mandat local puissent cumuler en partie leurs indemnités de fonction avec l’AAH.
✔️ Enfin, le Sénat a également remanié et amélioré les dispositions destinées à encourager la formation des élus, en particulier en sécurisant la transition du Droit Individuel à la Formation vers le Compte Personnel de Formation.
▶️ POUVOIR DE POLICE ET SÉCURITÉ DES MAIRES
Le Sénat a musclé le volet renforçant la protection juridique des élus et leurs pouvoirs de police.
✔️ Les sénateurs ont favorisé la mutualisation des moyens au niveau intercommunal,en particulier ceux de la police municipale et des gardes-champêtres. Ils ont aussi renforcé les outils de coordination entre celle-ci et les forces de police et de gendarmerie nationale.
✔️ Le Sénat a voté des dispositions obligeant les procureurs de la République à informer les maires des suites données aux infractions constatées par la police municipale. Cette mesure s’inscrit dans le plan d’action pour la sécurité des maires formulé par la commission des lois à la suite de la consultation lancée par le Sénat au mois d’août.
✔️ Le texte modifié par le Sénat renforce le droit existant en matière de pouvoir de police du maire,en particulier face au dépôt sauvage d’ordures et d’épaves de véhicules, ou encore pour l’élagage des arbres gênants.
✔️ Il élargit les compétences des maires pour la fermeture des débits de boissons ne respectant pas la règlementation, ou encore en permettant l’exécution d’office des travaux aux abords des voiries sur lesquelles ils exercent un pouvoir de police de la circulation.
✔️ Enfin, le périmètre de l’assurance obligatoire de couverture des frais de la protection juridique des maires proposée par le gouvernement a été étendu à tous les adjoints et élus dotés d’une délégation.
▶️ COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Le Sénat veut donner de la souplesse dans la gestion des collectivités. Il a fait de nombreuses suggestions pour améliorer la gouvernance intercommunale et développer des instances de dialogue pour les maires. Les sénateurs ont voté des propositions qui se font l’écho de propositions sénatoriales passées.
✔️ En parallèle du pacte de gouvernance prévu par l’article 1er du texte, le Sénat a rendu obligatoire la constitution d’une conférence des maires dans l’ensemble des EPCI où tous les maires ne sont pas déjà représentés au bureau.
✔️ La parité au sein des exécutifs intercommunaux et communaux a été renforcée. Par exemple, au sein des bureaux des EPCI, la proportion entre les deux sexes parmi les vice-présidents devrait être égale à celle constatée dans l’organe délibérant.
✔️ Le Sénat a réaffirmé son opposition au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les EPCI. En effet, le gouvernement proposait seulement que les EPCI puissent déléguer ces compétences aux communes. Le Sénat a renversé la logique en obtenant que le transfert de ces compétences ne soit plus obligatoire mais simplement facultatif.
✔️ Les sénateurs ont assoupli les règles relatives aux conventions passées entre les collectivités et leurs groupements et aussi celles concernant les accords locaux de répartition des sièges dans les organes délibérants de EPCI.
✔️ Ils ont aussi fait le pari de la flexibilité et de l’intelligence des collectivités locales:
> en autorisant les transferts « à la carte » de compétences facultatives des communes vers les intercommunalités ;
> en permettant aux EPCI de déléguer par convention la gestion de services ou d’équipements de proximité aux communes ;
> en simplifiant le classement des communes en station touristique, leur permettant ainsi d’exercer la compétence de promotion du tourisme ;
> en maintenant les indemnités de fonction des présidents et vice-présidents de syndicats de communes au-delà du 1er janvier 2020, même si leur périmètre est inférieur à celui de l’EPCI auquel ils appartiennent ;
> en permettant à ces syndicats de bénéficier pleinement des services du Groupe France Locale.
▶️ LE QUOTIDIEN DE L’ACTION MUNICIPALE
Le texte voté par le Sénat permet une meilleure adaptation de l’action communale et intercommunale aux réalités du terrain. Les sénateurs avaient formulé des propositions dans des rapports qui inspirent directement les mesures votées dans le projet de loi.
✔️ Afin de faciliter le fonctionnement des petites communes, les sénateurs ont permis l’abaissement du seuil à partir duquel les conseils municipaux sont considérés comme complets, qui sera de 5 conseillers dans les communes de moins de 100 habitants et de 9 conseillers dans les communes de moins de 500 habitants.
✔️ Dans la même logique, les sénateurs ont limité les cas où il est nécessaire d’organiser des élections partielles, dans la ligne des propositions de loi qui avaient déjà été déposées par le Sénat.
✔️ Ils ont également fait en sorte qu’en cas d’activation du système d’alerte et d’information aux populations, le préfet transmette aux maires concernés les informations nécessaires afin d’avertir et de protéger la population.
✔️ Le Sénat a précisé le projet de création d’un « rescrit préfectoral » afin d’améliorer l’accompagnement juridique des collectivités et a aussi clarifié les dispositions assouplissant les conditions de versement d’aides économiques pour les départements.
✔️ Les sénateurs ont permis aux candidats aux municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants d’adopter la nuance « sans étiquette ».
✔️ Ils ont ouvert à toute collectivité la possibilité de mettre en place une tarification sociale de l’eau.
✔️ Ils ont permis aux maires d’organiser plus aisément les mariages dans d’autres bâtiments que la mairie.
✔️ Enfin, ils ont adopté des dispositions permettant aux maires de fixer plus librement les durées de location des résidences principales(par le biais de plateformes telles que « Air BnB ») entre 60 et 120 jours par an.
Le projet de loi « Engagement et Proximité » tel qu’il a été adopté par le Sénat constitue indéniablement un progrès pour les collectivités et pour les élus :
✔️ il offre des solutions plus flexibles et respectueuses de l’intelligence territoriale;
✔️ il règle certaines des problématiques que rencontrent les collectivités au quotidien;
✔️ il présente des améliorations concrètes qui consolident le statut de l’élu.
Néanmoins, quand bien même toutes ces dispositions seraient adoptées par l’Assemblée nationale, un travail considérable reste à faire puisque la question d’une décentralisation réelle en France continue de se poser.