Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels
Le Sénat a adopté le 21 janvier 2021 à l’unanimité la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs de crimes sexuels, présentée par la sénatrice Annick Billon (UC). Celle-ci proscrit tout acte de pénétration sexuelle et tout rapport bucco-génital entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans. Elle renforce donc la protection des mineurs, augmente certaines peines encourues et allonge le délai de prescription en cas de non dénonciation. Le Sénat souhaite que le Gouvernement inscrive ce texte dans les meilleurs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
En l’état actuel du droit, il existe 3 types d’infractions sexuelles sur mineurs
- L’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans est un délit : c’est le fait pour un majeur d’exercer un acte sexuel sur un mineur (hors cas d’agression sexuelle ou de viol). Il n’est aucunement question d’un consentement possible du mineur. La peine encourue, relevée par la Loi Schiappa, est de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.
NB : la majorité sexuelle fixée à 15 ans, sans pour autant exister en droit français, se déduit de ce délit d’atteinte sexuelle.
- L’agression sexuelle sur mineur (de 0 à 18 ans) est également un délit : hors cas de pénétration, il s’agit de tout acte sexuel imposé par violence, menace, contrainte ou surprise. Il existe un critère de consentement.
- Le viol sur mineur (de 0 à 18 ans) est lui un crime : il s’agit de tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. Comme pour l’agression sexuelle, il y a un critère de consentement.
Qu’en est-il de la question du consentement des mineurs ?
Le 3 août 2018, la Loi Schiappa a été adoptée modifiant, grâce aux apports du Sénat, l’article 222-22-1 du code pénal en ces termes :
« Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 peuvent résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur.
Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. »
La proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels – ce qu’il faut savoir :
1. Cette proposition de loi est plus sévère pour les coupables puisqu’elle pose un interdit absolu : tout acte de pénétration sexuelle d’un adulte sur un mineur étendu à tout rapport bucco-génital entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans est proscrit par la loi. Un tel acte devient un crime sexuel puni de vingt ans de réclusion criminelle.
2. La question du consentement pour les mineurs de 13 ans ne se pose plus dans le cadre de ce nouveau crime institué. Par conséquent, le majeur ne pourra plus soutenir le fait que le mineur était consentant à l’acte, ce qui est aujourd’hui possible. Tout au plus, il pourra tenter de démontrer qu’il ignorait l’âge de la victime.
Si aujourd’hui, en l’absence avérée de consentement, les poursuites sont possibles sur le fondement de l’atteinte sexuelle, avec cette proposition de loi, ce seraient des poursuites pour crime.
3. En aucun cas cette loi n’abaisse l’âge de la majorité sexuelle, qui n’existe d’ailleurs pas en droit français. A l’inverse, elle renforce la protection des victimes en facilitant la caractérisation de l’infraction. L’objectif est donc de permettre aux juridictions de poursuivre et de condamner plus aisément ce nouveau crime sur mineur de moins de 13 ans.
4. Néanmoins la fixation d’un seuil d’âge à 13 ans ne doit pas sous-entendre qu’un jeune de 13 ans et 1 jour soit jugé consentant, et que cette disposition entraîne un affaiblissement de la protection due aux mineurs de 13 à 15 ans. Pour ces raisons, le Sénat a voté un article additionnel pour que la contrainte ou la surprise, éléments constitutifs de l’agression sexuelle et du viol, puissent résulter du jeune âge de la victime de moins de 15 ans qui ne dispose pas de la maturité sexuelle suffisante.
Pour rappel : en 2018, lors de l'examen du projet de loi Schiappa, le Sénat avait déjà adopté une telle disposition qui n’avait pas été retenue par l’Assemblée nationale.
5. Afin de briser la loi du silence, la proposition de loi allonge le délai de prescription du délit de non-dénonciation de mauvais traitements et agressions sexuelles infligés à un mineur : à compter de la majorité de la victime : 10 ans en cas de délit et 20 ans en cas de crime.
6. Les peines encourues pour des atteintes sexuelles incestueuses sur mineurs sont augmentées à 10 ans d'emprisonnement.
7. Le nouveau crime sexuel sur mineur ainsi que le viol sont étendus à tous les actes bucco-génitaux. En effet, actuellement, ces actes sont pris en compte lorsque la victime est un garçon mais non une fille.
8. Les délais de prescription sont interrompus lorsque l’auteur d’un crime commis sur un mineur commet le même crime sur un autre mineur (cas des crimes sériels).
Cette proposition de loi doit désormais être examinée par l’Assemblée nationale avant d’être adoptée.
Pour en savoir plus : lien.
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